Au festival de la BD d’Angoulême, L'Hippocampe sort le handicap de sa bulle

Encore 3400 participants cette année au concours L'Hippocampe et près de 1400 planches ! Ce concours de bande dessinée, adossé au festival international de la BD d’Angoulême, révèle des talents depuis plus de vingt ans. Sa particularité : il s’adresse exclusivement à des enfants, jeunes et adultes en situation de handicap physique ou mental.

Émanciper par la culture

Ce 27 janvier 2023, jour de remise des prix, l’ambiance est chaleureuse, entre fierté et excitation. Certains groupes profitent déjà de la convivialité des salles de réception de l’hôtel qui les reçoit, d’autres ont filé pour profiter du festival. En coulisse, les bénévoles turbinent à 100 à l’heure !  Le jour de la remise des prix, c’est vrai que je cours partout, témoigne la présidente de l’association L'Hippocampe Mireille Malot. Ma priorité, c’est d’offrir un accueil de qualité à chaque lauréat qui se déplace. Je souhaite qu’ils se sentent tous attendus et reconnus. 

Lorsque nous avons fait sa connaissance, il y a 25 ans, Mireille se démenait pour rendre l’école plus inclusive et préparait avec d’autres associations un rapport sur le développement et la pérennisation de services d'auxiliaires de vie scolaire.  J’ai reçu pour cela une grande aide de la MAIF, puis vous avez été mon premier gros partenaire, dès la création du concours , se souvient-elle. 

Depuis, le combat de l’association n’a pas varié :  Les personnes handicapées doivent s’exprimer et développer des talents trop souvent insoupçonnés pour prendre confiance en eux , défend sa présidente. L’association, elle, a grandi et fidélisé des partenaires, soutenue par plusieurs personnalités : Patrice Drevet, l’ancien présentateur et responsable du service météo de France 2, Yves Poinot, président du festival d’Angoulême jusqu’en 2005, ou encore le créateur de Lucien, Frank Margerin, qui préside toujours le jury de L'Hippocampe. 

P'tits bonheurs et grand honneur

 Les membres de notre jury sont des professionnels et des gens ayant un regard artistique averti. Nous ne récompensons pas nos lauréats parce qu’ils ont un handicap mais parce qu’ils ont réalisé quelque chose de remarquable , insiste Mireille Malot. Thème de cette édition 2023 :  Les p’tits bonheurs. Parmi les propositions primées, des messages qui interpellent, amusent ou bouleversent. Comme cette planche de Charlotte qui invite à reprendre goût à la vie après un accident. La lauréate, qui concourait dans la catégorie déficience motrice des plus de treize ans, l’a intitulée Ce n’est pas fini. 

Tous les ans, des scenarii brûlants d’actualité et de justesse nous rappellent qu’avec ou sans handicap, nous partageons tous les mêmes préoccupations. Souvenons-nous du plaidoyer pour la planète d’Emilie Lecocq primé en 2020 ou les planches remarquables de Nicolas Schutz, retraçant ses années de harcèlement scolaire. Laurent Tripelon, chargé de partenariats MAIF et membre du jury confirme : Je suis toujours frappé par la qualité de certaines planches de BD, dignes de dessins de professionnels. D’autres réalisations sont plus naïves en fonction de l’âge et du type de handicap mais toujours pleines de sens. On en conclut à chaque fois que le handicap n’empêche pas le talent.

Un Esat spécialisé dans les arts graphiques

Forte de la reconnaissance du monde du 9^e art, l’association a créé l’Esat (établissement et service d’aide par le travail) Image - Arts graphiques d’Angoulême, avec l’Adapei Charente et le Pôle Image Magelis, dès 2012. Cinq talents repérés au fil des éditions du concours y vivent désormais de leur métier, créant pour de grandes entreprises, des associations et plusieurs établissements publics.

Fred était l’une ces pépites révélées grâce à l’association. Bédéiste accompli, il fut le premier à intégrer l’établissement. Il avait d’abord intégré le jury du concours après avoir raflé un Hippocampe d’Or à chacune de ses participations. C’est lui et un autre jeune, qui nous ont inspiré la création de cet Esat hors-les-murs , précise Mireille Malot. Frédéric Coulaud est décédé il y a un an de la maladie de Charcot. La dernière fois que nous l’avons vu, il nous a simplement dit : « J’ai passé dix ans de bonheur à Angoulême. » C’est tout ce qui nous importe au sein de l’association : favoriser l’épanouissement des personnes. Nous n’avons pas d’autre prétention , conclut la présidente de l’association L'Hippocampe.