1. Accueil
  2. Actualités
  3. Marais de Brouage : s’adapter aux submersions
25 avril 2023 | Nouvelle-Aquitaine

Marais de Brouage : s’adapter aux submersions

En résumé

La réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron est un paradis pour les oiseaux. Étape essentielle sur la route de leurs migrations, ce havre de paix s’étale sur des terrains que la mer reprend en partie, au gré des submersions marines prévisibles...

Une photographie réalisée à l’observatoire des Polders de la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron. En arrière-plan, un vol de bécasseaux. Au centre, des Bernaches cravant. Au premier plan, une Spatule blanche.
À marée haute, les oiseaux limicoles rejoignent les polders de la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron, d’anciens marais salants constituant aujourd’hui d’immenses reposoirs.© Éric Berbudeau/MAIF

 Là vous pouvez voir des bécasseaux variables et des bécasseaux maubèches. Ce sont des migrateurs longues distances, parce qu'ils remontent pour la plupart jusqu'en Sibérie après avoir hiverné plus au sud, parfois jusqu’en Afrique.  Adrien Chaigne, conservateur de la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron, pointe des oiseaux qui se nourrissent dans la vasière.  Nous leur offrons un lieu de halte, durant laquelle ils peuvent reprendre des forces. À marée basse, ils se nourrissent dans l’estran, puis quand la mer remonte, ils viennent dans ces reposoirs, d’anciens marais salants dont nous gérons l’hydraulique pour offrir des conditions adaptées à ces oiseaux. Et à la taille de leurs pattes ! 

C’est d’abord pour les oiseaux d’eau migrateurs que cet espace a été classé réserve naturelle nationale en 1985 pour les 200 hectares de sa partie terrestre. Quelques années plus tard, un immense quadrilatère de 6 500 hectares de mer a été ajouté, protégeant un espace entre le continent et l’île d’Oléron, comme un pont aérien entre deux espaces côtiers fréquentés par ces limicoles et canards migrateurs.  Mais la réserve présente aussi un intérêt pour bien d’autres espèces, tant pour la flore que la faune, souligne Adrien Chaigne. Dans la zone de polders, c’est grâce à une gestion très fine de l’hydraulique que nous pouvons préserver la biodiversité de la réserve. 

Sur une branche de tamaris, un petit oiseau avec un vers dans le bec. C'est un mâle Gorge-bleue à miroir. Son nom est lié à son plastron blanc.
Parmi les passereaux qui fréquentent la réserve de Moëze-Oléron, la Gorge-bleue à miroir est emblématique des paysages littoraux de prés-salés appelés à se développer au gré des submersions marines prévisibles.© Éric Berbudeau/MAIF

La main de l’homme sur le paysage

Des siècles d’aménagement ont été nécessaires pour gagner ces terres sur la mer et ainsi mettre à profit le comblement naturel de l’ancien golfe de Saintonge. Des canaux et des digues ont permis cette conquête, créant ces vastes marais de Brouage. Un complexe fragile, exposé aux événements climatiques intenses. Lors des tempêtes Martin en décembre 1999, puis Xynthia en février 2010, mais aussi au cours de l’automne 2014, la digue protectrice en front de mer a été endommagée, puis remise en état à chaque fois. Une brèche est apparue de nouveau dans cette digue de premier rang trois ans plus tard. En prenant en compte les conséquences du réchauffement climatique, une montée progressive du niveau de l’océan et des submersions qui seront plus fréquentes, il a été décidé de laisser cette brèche en l’état. Adrien Chaigne souligne que des travaux auraient été coûteux et perturbants pour la réserve :  Est-ce la bonne stratégie de résister ? Actuellement, dès que le coefficient des marées dépasse 60, la mer entre par cette brèche. Entre 30 et 40 hectares peuvent être recouverts. 

Ce podcast, réalisé par la rédaction de MAIF mag, nous immerge dans la réserve de Moëze-Oléron, aux côtés d'Adrien Chaigne, conservateur de la Réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron, et Patrice Belz, responsable de la délégation Centre-Atlantique du Conservatoire du Littoral. Ils nous présentent le projet Adapto et ses répercussions sur cette réserve, refuge des oiseaux migrateurs.

Une modélisation fine du territoire

Propriétaire des terres bordant localement la mer, le Conservatoire du Littoral a choisi ce site pour y mener l’un des dix projets Adapto qu’il pilote, avec le soutien financier de la communauté européenne. Un projet pour y envisager une évolution naturelle du trait de côte, autrement dit, un retour progressif de la mer dans les terres.  Il s’agissait d’étudier cette possibilité et son impact sur les activités humaines de ces marais de Brouage, sur le paysage et sur la biodiversité, explique Patrice Belz, responsable de la délégation Centre-Atlantique du Conservatoire du Littoral. Nous nous sommes appuyés sur des études, des experts, en concertation permanente avec tous les acteurs de ce territoire.  De nombreux documents permettent de mesurer le travail accompli depuis 2015. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a notamment modélisé finement ce territoire pour permettre à tous d’imaginer son évolution future, en fonction de différents scénarios. 

Recherche et solutions fondées sur la nature

Le concept de solution fondée sur la nature peut être une alternative à l’endiguement dans le cadre de la prévention des inondations. C’est pourquoi la Fondation MAIF a soutenu le projet MANA de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Ici aussi, tout repose sur un projet de modélisation... 

Lire l'article

Dans le cadre du projet Adapto des marais de Brouage, cette vidéo de Déborah Aubert, paysagiste, a permis de visualiser les évolutions possibles des paysages. L’École nationale supérieure de paysage de Versailles était associée à ce projet charentais, tant pour étudier l’évolution du paysage au cours des siècles passés que pour se projeter dans le futur.

© Conservatoire du Littoral

Biodiversité : un défi majeur

Grâce à cette modélisation, des chercheurs ont prédit l’évolution de la qualité écologique du site. Leur rapport complète celui de 2020 qui s’appuyait notamment sur l’expertise de la Ligue de protection des oiseaux, gestionnaire de cette réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron depuis sa création.  Il faut anticiper ces évolutions des paysages, pour faire les bons choix, explique Adrien Chaigne. Avec le développement de prés-salés ou de lagunes, des espèces seront gagnantes quand d’autres pourraient en pâtir. Le scénario qui serait le plus néfaste serait celui où la réserve naturelle se retrouverait coincée entre une digue et la mer, où seuls les milieux salés se développeraient et où nous n’aurions plus cette mosaïque de milieux et ce gradient de paysages qui favorise la biodiversité. 

Une photographie du littoral. Dans la partie inférieure de l’image, la vasière et la zone couverte par une végétation résistant à l’eau salée (les botanistes parlent d’espèces halophiles). Au milieu, la digue de premier rang qui protège la zone des polders. Au centre, elle est endommagée et la mer peut y pénétrer, créant la lagune visible au milieu de la photographie.
La digue de premier rang est désormais endommagée sur près d’une centaine de mètres, laissant apparaître une lagune en arrière-plan.© Éric Berbudeau/MAIF

Son prédécesseur, Philippe Delaporte, a consacré 35 ans à cette réserve. Adrien Chaigne assume cette succession depuis un an :  C’est court ! Devant moi, il y a des défis qui sont vraiment stimulants. Il nous faut nous projeter dans l'avenir et accompagner au mieux l'évolution de ce milieu, avec les impacts du réchauffement climatique. On ne connaît pas la vitesse à laquelle vont se produire ces changements, mais il faut les anticiper. C’est ce que nous expliquons à tous les visiteurs qui découvrent la réserve l’été, avec des visites guidées ou sur les sentiers que nous avons aménagés. À plusieurs endroits, ils seront surpris en découvrant des balises qui signalent le niveau d’eau déjà atteint lors des tempêtes Martin et Xynthia. 

Et nous ne pouvons que vous encourager à visiter Brouage, ses marais et la réserve de Moëze-Oléron pour comprendre sur le terrain les projets en cours pour adapter ce territoire au réchauffement climatique. Les réflexions, les études et le partage des connaissances accomplis par la Ligue de protection des oiseaux et le Conservatoire du Littoral (deux sociétaires MAIF !) sont désormais une source d’inspiration pour d’autres territoires. Tout comme l'ensemble des dix projets Adapto peuvent donner des idées aux élus et citoyens confrontés à des évolutions prévisibles du trait de côte. Des idées pour agir et anticiper, indispensables pour envisager une adaptation, dans l’exemple des marais de Brouage, à une mer plus haute de 0,5 à 1 mètre en 2100...  

OFFRE MAIF

L’impact positif d’une communauté

En 2023, nous fédérons une communauté de plus de 200 000 sociétaires associations, collectivités, et entreprises ! Chaque jour et partout en France, vous nous prouvez par vos actions que vous êtes un maillon indispensable de la société en contribuant au mieux commun. Par vos engagements et vos projets, notre mission se réaffirme avec d’autant plus de conviction.  

MAIF pour les associations et collectivités
Une illustration du siège de la MAIF