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21 août 2024 | Nouvelle-Aquitaine

Gardiens du vivant à Saintes

Le Fonds MAIF pour le vivant soutient la ville de Saintes (17) dans son effort de préservation des prairies de la Palu. Cet espace naturel sensible, accessible à pied du centre-ville, est indispensable : à la fois terrain de loisirs, réservoir de biodiversité et bouclier anti-crue. 

Les Prairies de la Palu vues de drone
Les prairies de la Palu vues de drone. Au centre, le canal de dérivation mis en service après la grande inondation de 1982. Au fond, la Charente (dissimulée par une rangée d’arbres) et la rive gauche de Saintes. © Julien Faure/MAIF

Un marais cher au cœur des Saintais

Juste avant de traverser le centre-ville de Saintes, la Charente s’écoule au bord d’un marais large de plus d’un kilomètre. Ce sont les prairies inondables de la Palu*, chères au cœur des Saintais. Couvertes de roseaux et d’herbes hautes, elles abritent quelques pâtures et changent d’allure selon la saison. En hiver, les prairies sont gorgées d’eau, jusqu’à sembler un lac. Au printemps, elles laissent apparaître toutes les teintes de vert, piquetées de vives touches florales. En été, la température monte jusqu’à 41 °C, provoquant des assèchements inquiétants.  C’est une zone fragile dont la ville a pris la responsabilité en 2021, succédant au département , observe Emmanuel Malaret, chargé de mission paysage et biodiversité pour la ville de Saintes.  Le premier enjeu consistait à mettre les prairies à l’abri des lotisseurs, malgré une demande croissante de logements.  Pour cela, les prairies ont été classées en espace naturel sensible, un statut protecteur qui complique grandement les dépôts de permis de construire. Le second enjeu pour la ville de Saintes consiste à préserver les services écosystémiques rendus par cette zone humide, à la fois bouclier anti-crues et espace de biodiversité.  Et enfin, nous gardions sans cesse en tête le rôle social des prairies , poursuit Emmanuel Malaret.  Elles sont installées dans le paysage de Saintes depuis que la ville existe, il était hors de question de les sanctuariser ou d’en limiter l’accès.  Depuis deux ans, des réunions avec les acteurs locaux ont permis de partager et coconstruire un plan de gestion où chacun puisse se sentir à l’aise, dans le respect des végétaux et des animaux. Par exemple, les kayakistes et paddlistes peuvent longer les prairies en empruntant la Charente, mais ils ne peuvent pas circuler sur le canal alors que la pêche y est autorisée.

* Palus est le mot latin pour marais (paludisme : fièvre des marais).

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Fonds MAIF pour le vivant - Nature 2050 : l'appel à projets 2024-2025 ouvrira le 17 septembre

Découvrez nos critères pour postuler et décrocher une aide comprise entre 80 000 et 500 000 €. Vous devez notamment agir avec une collectivité locale, avec une maîtrise foncière du territoire pour au moins 50 ans, et porter une solution "fondée sur la nature" pour protéger ou restaurer un écosystème. 

Nos critères de sélection
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Une nature éclatante

On accède aux prairies à pied, à vélo ou en voiture. Au contact de la ville, on rencontre des parkings, des tables de pique-nique, une aire de jeux… Si l’on marche vers le sud, les promeneurs se font plus rares. À mesure que l’on s’éloigne, la nature devient éclatante. Le regard porte loin, admirant roselières, étendues florales ou boisées et prairies de fauche. Des pêcheurs s’installent pour la journée, attrapant gardons et brochets. Loin de vouloir éloigner ces visiteurs, la ville souhaite au contraire mieux les accueillir. L’an prochain, à l’entrée nord, une Maison de la Nature ouvrira ses portes pour rappeler l’importance écologique du lieu et la nécessité de le protéger. Les roselières seront bordées de chemins suspendus et des tunnels d’observation permettront d’observer la faune sans la déranger. 

promeneurs le long du canal
Accessibles à pied du centre-ville, les prairies de la Palu jouent un rôle social important.© Julien Faure/MAIF

Une éponge naturelle contre les crues

La ville de Saintes a connu 22 inondations depuis 1579 Elles se produisent quand il pleut sur une longue période, souvent en conjonction avec une grande marée qui freine l’écoulement du fleuve vers l’océan , explique Alice Perron, directrice du syndicat de gestion des rivières (Symba).  Par leur morphologie, les prairies de la Palu agissent comme une éponge et ralentissent le phénomène de saturation des sols. La situation serait bien pire si la vallée était construite ou bétonnée.  En 1982, la Charente atteint la cote de sept mètres et Saintes est sous l’eau : c’est la "crue du siècle", qui entraîne une prise de conscience et des travaux de prévention. Notamment, le fleuve est doublé par un canal long de 2 600 mètres et profond de trois mètres, creusé au beau milieu des prairies de la Palu. Aujourd’hui, la plupart des infrastructures publiques saintaises sont hors d’eau, mais des quartiers d’habitation continuent d’être régulièrement inondés. L’hiver 2024 a été particulièrement agité, avec trois épisodes successifs entre octobre et mars. Il y a trois ans, 200 logements avaient dû être évacués. Très lentes, ces inondations ne font pas de victimes mais elles causent beaucoup de tracas aux habitants.  Quand les pompiers sonnent à notre porte pour prévenir que l’eau va monter, on sait ce qui nous attend  commente une résidente de la rue Taillebourg, l’artère la plus exposée de la ville.  Il faut placer les meubles sur tréteaux, vider les placards, déposer les portes, faire des réserves d’eau potable et de nourriture… C’est fatigant, d’autant que je vieillis et que je commence à avoir mal au dos.  Cette répétition d’événements préoccupe aussi l’assureur que nous sommes.  Il faut aider les collectivités locales à progresser en prévention des risques naturels et Saintes fait partie des villes les plus engagées sur ce terrain  appuie Patrick Blanchard, directeur général de la Smacl**.

** Smacl : société mutuelle d’assurance des collectivités locales, filiale MAIF.

Maif
Fonds MAIF pour le vivant

Alimenté par le dividende écologique...

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Le Fonds MAIF pour le vivant approuve !
Réchauffement du climat, effondrement de la biodiversité, menaces sur les écosystèmes : pour conserver un monde vivable et assurable, nous devons remettre au vert tous les voyants d’alerte sur les limites planétaires. Le Fonds MAIF pour le vivant est un outil de financement dédié à ces grandes causes. Il cible les solutions fondées sur la nature, les plus efficaces et les moins coûteuses pour régler les problèmes environnementaux. Les prairies de la Palu sont l’un des 14 lauréats de son premier appel à projets, en partenariat avec le fonds Nature 2050 (créé par CDC - Biodiversité). La dotation de 90 000 € a permis à la ville de Saintes de boucler son projet.

Pourquoi soutenons-nous les prairies de la Palu ? 
- Elles constituent une zone d’expansion de la Charente indispensable pour limiter l’ampleur des crues qui inondent la ville ;
- leur plan de gestion met en œuvre de nombreuses mesures de protection de la biodiversité. 

Les actions visées dans le cadre de l’appel à projets 
- Une solution fondée sur la nature : creuser dix dépressions humides pour accroître le potentiel de rétention en eau des prairies ;
- planter 2 km de haies (arbres, arbustes, herbacées) pour étendre les corridors écologiques et favoriser la biodiversité.

rue Taillebourg à Saintes
La rue Taillebourg, à Saintes, trois fois inondée cet hiver. Un aléa connu des architectes : les maisons sont surélevées et il faut grimper une volée de marches pour rentrer chez soi. Plus bas dans la vallée, les habitants se réfugiaient à l’étage à chaque saison humide. © Boris Pamoi/MAIF

433 espèces vivantes recensées

Le fleuve Charente est intégré au réseau Natura 2000 sur presque toute sa longueur en tant que couloir de migration et de reproduction pour anguilles, aloses et autres espèces. Les prairies de la Palu sont tout aussi précieuses. Un récent inventaire naturaliste y a recensé 433 espèces animales et végétales. Parmi elles, 78 présentent un intérêt scientifique ou symbolique particulier comme la loutre, la rosalie des Alpes, la crossope aquatique ou le phragmite des joncs.  Nous sommes aussi malheureusement confrontés à des invasions d’espèces exotiques contre lesquelles il est très difficile d’agir , confesse Emmanuel Malaret. La jussie, plante aquatique originaire d’Amérique du Sud, prolifère dans les mares et fossés, laissant peu de place aux espèces concurrentes. Des opérations d’arrachage manuel ont été conduites, sans grand succès. La jussie présente cependant quelques avantages : les libellules et amphibiens s’y reproduisent sans problème et elle joue un rôle positif dans la filtration de l’eau et la captation du carbone. L’écrevisse de Louisiane préoccupe bien davantage. Comme dans le Marais poitevin, elle se reproduit à une vitesse vertigineuse en dévorant tout ce qui traîne : œufs, larves, herbes aquatiques... Par chance, elle compte aussi beaucoup de prédateurs. Outre les humains, l’écrevisse est une nourriture appréciée des loutres, hérons et cigognes qui s’en délectent. Mais pour le moment, malheureusement, elle se reproduit bien plus vite qu’elle n’est détruite.

Que faire des espèces exotiques envahissantes ?

Les espèces exotiques envahissantes (EEE), importées de manière volontaire ou accidentelle, constituent l’une des cinq causes majeures de destruction de biodiversité. Des scientifiques pensent qu’il faut les éradiquer, d’autres estiment qu’il faut laisser faire et attendre qu’un nouvel équilibre écosystémique s’installe. Aucune des deux solutions n’est simple : la destruction des EEE nécessite des budgets énormes sans garantie de résultat tandis que le laisser-faire suscite la colère ou la tristesse des habitants. Il semble cependant que les écosystèmes en bonne santé résistent mieux aux EEE : c’est une raison supplémentaire pour prendre soin de notre environnement.

aigrettes
Les prairies de la Palu dissimulent une grande diversité animale. Un vison est peut-être caché dans cette image ! © Julien Faure/MAIF

À la recherche des espèces disparues

Le vison d’Europe, protégé depuis 1976, est en voie critique d’extinction. L’espèce est très discrète et ne se montre qu’au crépuscule, parcourant de longues distances le long des fossés et cours d’eau.  Un noyau de population subsiste dans les marais de Rochefort et un autre au nord d’Angoulême. Les prairies de la Palu s’inscrivent dans un vaste programme européen de sauvegarde de l’espèce, avec l’idée de faire se rejoindre les deux noyaux et d’installer un foyer de peuplement à Saintes , explique Emmanuel Malaret. Les naturalistes guettent également le retour du râle des genêts, un oiseau migrateur dont les prairies de la Palu constituaient le dernier bastion en Val de Charente.  Nous ne nous expliquons pas son absence depuis plusieurs années, car les conditions nous semblent bonnes , commente Sylvain Fagart, naturaliste à la LPO.  Les causes du déclin sont peut-être à rechercher sur la route migratoire et les zones d’hivernage de l’espèce, en Afrique. La ville de Saintes utilise également les prairies de la Palu comme réservoir de semences. En brossant les herbes en floraison, elles recueillent d’innombrables graines locales et gratuites qui ont notamment été utilisées pour végétaliser les trottoirs de la ville.