Éole 2025 : l’entraide citoyenne en marche

Des vents avec des rafales à 150 km/h, de fortes pluies et des ruptures de digues conduisant la mer à pénétrer dans une partie des 28 communes de l’agglomération de La Rochelle. Le scénario de cet exercice de crise rappelle évidemment Xynthia, la tempête qui a profondément marqué ce territoire en février 2010. Cette fois, sous le nom d’Éole 2025, l’événement climatique est fictif, mais a réellement mobilisé les services de l’État et de la communauté d’agglomération de La Rochelle les 9 et 10 avril 2025. Les habitants avaient été informés en amont de l’opération, puis lors de l’exercice avec les messages sur téléphone du dispositif FR-Alert. Ils ont été tout de même surpris par l’ampleur des actions mises en œuvre, notamment l’immense bâche de protection sur le vieux port de La Rochelle...

C’est dans ce contexte inédit que l’association Prévention MAIF a mené une expérimentation très originale. « Nous avons demandé à intégrer cet exercice pour y tester l’entraide citoyenne », explique Jean-Jacques Gauthier, chef d’orchestre de cette action. L’entraide citoyenne, c’est un concept novateur pour augmenter notre résilience en cas d’événement majeur. Il s’agit de permettre à qui le peut d’intervenir utilement quand une catastrophe survient. Avec sa plateforme PrévEntraide et ses actions de sensibilisation aux risques, l’association Prévention MAIF défend l’idée que nous avons tous notre rôle à jouer quand des circonstances exceptionnelles l’exigent. Et cette simulation Éole 2025 a montré que cette approche se heurte encore à quelques difficultés…

Toujours anticiper les risques

Durant ces deux jours, les militants de Prévention MAIF et les bénévoles réunis par le dispositif PrévEntraide ont participé à plusieurs actions. Ils ont mesuré combien il est nécessaire d’anticiper les risques. Par exemple, dans les zones où le risque de submersion marine est grand, ils ont participé à l’installation de batardeaux, ces équipements qui empêchent l’eau de pénétrer dans les habitations. « Nous avons vu que les systèmes de batardeaux sont très différents d’une maison à l’autre, constate l’une des bénévoles. Certains peuvent être très lourds et complexes à monter, ce qui peut justifier une aide chez certaines personnes qui, en situation de crise, seraient dans l’incapacité de réaliser cette installation. Nous avons aussi rencontré quelqu’un qui, après avoir reçu cet équipement il y a deux ans, l’avait entreposé dans son grenier. Le jour où il y aura un vrai risque de submersion, il faudra se rappeler où sont les batardeaux ! »
 

En venant proposer spontanément leurs services dans les mairies, ils ont reçu des accueils contrastés d’une commune à l’autre. Tout accaparés par leurs propres dispositifs de gestion de crise, les services municipaux n’avaient pas toujours prévu l’expression libre d’une volonté d’entraide citoyenne. Pourtant, en situation réelle de catastrophe, elle joue toujours un rôle considérable. En Espagne par exemple, les sinistrés de Valence pourraient en témoigner. « L’arrivée des bénévoles en mairie a rendu l'exercice particulièrement concret, a constaté Maud Devès, chercheuse du Crisis-Lab de Sciences-Po. Cela a contribué à la mise sous pression des équipes municipales qui devaient gérer beaucoup plus de choses en même temps, d'un coup, et ça rendait l’exercice très réaliste. »

Essuyer les plâtres

En invitant des chercheurs à suivre cette expérimentation rochelaise, Prévention MAIF compte sur leur expertise pour analyser les pistes d’amélioration et les points de blocage.  Lors de l’exercice Éole 2025, ce sont notamment des questions de responsabilité qui ont limité le recours à ces bénévoles qui venaient spontanément proposer leur aide dans les mairies. Qui est responsable de ces citoyens pour intervenir auprès de sinistrés ou pour dégager une rue dans laquelle un arbre est tombé ? Est-ce qu’il vaut mieux agir dans un flou juridique (et dans l’urgence) que ne pas agir ?
L’association Prévention MAIF espérait pourtant ne pas rencontrer de tels blocages. Son intervention à La Rochelle était en effet menée en partenariat avec la délégation territoriale de la Croix Rouge, association agréée de sécurité civile : « Dans le cadre des quatre agréments que l’État nous a délivrés, nous avons le droit de solliciter et d’encadrer des bénévoles spontanés, des bénévoles d’un jour », a confirmé Hervé Delhommeau, responsable des opérations à la Croix Rouge 17, avant de délivrer une formation express aux personnes réunies par le dispositif PrévEntraide.
Lors du débriefing final, cette participation à Éole 2025 s’est avérée riche d’enseignements pour tous les participants réunis par Prévention MAIF. « J’entends les choses frustrantes que vous avez pu vivre, a conclu Jean-Jacques Gauthier*, mais il est important de comprendre que vous avez tous essuyé les plâtres de l’entraide citoyenne spontanée. Trop souvent, elle est considérée comme quelque chose de compliqué à gérer, qui s’ajoute à tout ce que les services publics doivent déjà organiser en situation de crise. Nous voulons faire la preuve qu’on peut la gérer de façon coordonnée et sans difficulté. Grâce à vous tous, nous construisons quelque chose d’important ! »

* Ce fut le dernier grand projet mené par Jean-Jacques Gauthier au sein de Prévention MAIF. Quelques jours plus tard, il a pris la direction de l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques.