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Fablab : le maillon fort de la solidarité numérique
En résumé
Face à une pénurie de visières de protection, les fablabs ont pris le relais. Ils ont ainsi contribué à la sécurité des soignants, des commerçants et des salariés exposés aux risques de contamination… La MAIF, engagée auprès des fablabs bien avant la crise sanitaire, vient de renforcer son soutien à ce réseau d’utilité publique.
"Dans la troisième révolution industrielle, le fablab est le laboratoire de recherche-développement du peuple. […] Installer des fablabs dans le monde entier, pour permettre à chacun d’être un prosommateur, a des conséquences révolutionnaires." Jeremy Rifkin ne s’était pas trompé. Dans son essai La nouvelle société du coût marginal zéro (2014), il insistait sur le rôle clé de ces laboratoires de fabrication numérique : "Si nous réunissons toutes les pièces du puzzle de la culture de l’impression 3D, ce qui se dessine est un puissant récit en gestation, qui pourrait changer le mode d’organisation de la civilisation au XXIe siècle." Une pandémie vient de lui donner raison.
En effet, face à la pénurie de masques et de visières au début de cette épidémie mortelle de Covid-19, le système D a joué un rôle essentiel. S’il suffisait d’une machine à coudre pour que d’innombrables petites mains produisent à la chaîne des masques en tissu, c’est grâce à des réseaux organisés de makers, équipés notamment d’imprimantes 3D, que des visières ont pu protéger des soignants et tous ceux qui ont maintenu des services essentiels durant l’épidémie.
Mieux comprendre le numérique
Pour faire face aux inquiétudes concernant le sujet de la donnée, nous avons lancé le dispositif Mes datas et moi. Cette plateforme unique a déjà aidé plus de 300 000 personnes à mieux comprendre les usages liés au numérique, à adopter les bons comportements et à protéger leurs données.
Une mobilisation sans précédent des makers
Dans la vidéo ci-dessous, M. Bidouille, youtubeur de référence pour les makers, raconte en détail comment une vague de fabrication s’est propagée sur l’ensemble du territoire. "Voyant que des productions de visières se mettaient en place, il s’est passé un truc hallucinant : à certains endroits, les fablabs ou les groupes de makers, qui commençaient tout juste à s’organiser, ont été submergés de commandes. Les hôpitaux, les Ehpad et même la police ont passé des commandes allant de centaines à plusieurs milliers de visières. Ce qui a provoqué un léger coup de stress du côté des makers ! […] Et ce qui est impressionnant, c’est que ça a marché."
Il faut saluer le rôle des makers indépendants, électrons libres de la fabrication numérique, dans ce dispositif solidaire sans précédent. Y compris des enfants, à l’image de Roméo, jeune parisien de 14 ans, qui a raconté au micro de France Culture : "Je suis passé à l’impression 3D quand j’étais en 6e. Au début, ma mère ne voulait pas trop, parce qu’elle ne voyait pas à quoi ça allait me servir…" Elle a changé d’avis depuis que son fils a fabriqué 1 800 visières, réceptionnées très chaleureusement par les soignants de l’hôpital voisin de leur appartement.
Mais dans cet élan de solidarité, les fablabs français ont également joué un rôle décisif. Ainsi, ce qui s’est passé en Normandie est un bel exemple d’organisation collective : "Le mouvement s’est structuré rapidement, avec des fablabs associatifs ou coopératifs comme le nôtre, mais aussi des entreprises, des écoles d’ingénieurs et la région Normandie", raconte Caroline Degrave, directrice de la coopérative Les Copeaux numériques à Petit-Quevilly, sur la rive gauche de Rouen. "C’est cela qui fut formidable : en un temps record, nous avons réuni différents acteurs pour créer des unités de fabrication sur notre territoire régional et ainsi approvisionner rapidement les hôpitaux et les structures qui avaient besoin de ces équipements. Le Dôme, un fablab de Caen, a piloté la coordination générale et a travaillé avec le CHU pour adapter un modèle de visière. Nous étions dans une démarche de design thinking centrée sur l’usager, un processus itératif avec les soignants pour répondre au mieux à leurs besoins, notamment en matière de désinfection du matériel. C’était important de produire du matériel réutilisable, dans une logique de réduction des déchets. Entre tous les pôles de production, il y avait un protocole bien défini entre nous, un engagement à utiliser les matériaux fournis par une centrale d’achat créée pour l’occasion…"
Assureur n° 1 du monde associatif, la MAIF compte de nombreux fablabs parmi ses sociétaires, ainsi que des tiers lieux comprenant un fablab. C’est le cas du Kaléidoscope, ce lieu géré par la coopérative Les Copeaux numériques : "Nous proposons aussi des espaces de coworking, un café culturel, un labo photo, détaille sa directrice. Comme dans d’autres tiers lieux, notre fablab ne suffirait pas pour atteindre cet équilibre financier qui reste fragile. Nous venons de faire la preuve de notre utilité dans cette période de crise, et nous espérons que les pouvoirs publics garderont en tête que les fablabs méritent d’être soutenus. Non seulement pour notre capacité à faire des choses et à initier à la fabrication numérique, mais parce que nous sommes des lieux importants pour créer du lien intergénérationnel, pour faire se rencontrer des gens… Nous contribuons modestement au vivre ensemble."
Assurer des risques spécifiques !
Fablabs, tiers lieux, repair cafés : la MAIF est aussi l'assureur de référence de ces nouveaux espaces collaboratifs.
C’est cette dimension sociale et éducative qui justifie tout l’intérêt que la MAIF porte aux fablabs et à leur développement sur l’ensemble du territoire. Bien avant cette crise sanitaire, notre mutuelle d’assurance avait déjà travaillé avec le Réseau français des fablabs, notamment pour la publication d’un guide de prévention des risques dans ces espaces collaboratifs de fabrication. Dès le début de l’épidémie, des militants MAIF étaient aux côtés d’une vingtaine de fablabs, pour apporter un soutien très concret à des initiatives de fabrication de visières. Enfin, la MAIF vient d’apporter son soutien (15 000 euros) à ce Réseau français des fablabs pour l’aider à se structurer et à financer des supports de communication comme le Minitel du Faire ou le site FabriCommuns.
Dans ce partenariat, la MAIF apporte un complément de 15 000 euros pour aider les 170 fablabs de ce réseau à s’équiper dans le cadre de leur programme expérimental Open santé France. "Je suis fils de médecin, et l’open santé – cette possibilité de développer et fabriquer du matériel médical en open source – c’est un sujet qui me tient à cœur, explique Simon Laurent, président du Réseau français des fablabs. Durant cette crise sanitaire, les fablabs et les makers ont mis leurs compétences techniques au service d’une demande. Mais au-delà de ça, il y a eu beaucoup de projets plus techniques, pour des "makers d’élites", plus expérimentés, plus compétents, avec des profils d’ingénieurs. Eux se sont mis à réinventer ou hacker certains dispositifs médicaux beaucoup plus complexes, comme le respirateur artificiel MUR ou le pousse-seringue de l’électrolab de Nanterre, des objets en cours de certification médicale. Un respirateur est extrêmement cher quand on l’achète en Chine, mais en version open source, il coûte 250 euros ! On voit bien qu’il y a là une question d’accessibilité à la santé et d’équité par le prix…"
Le choix de l’open source
Le Réseau français des fablabs souhaite donc jouer un rôle dans la reconquête d’une souveraineté technologique de la France dans le domaine de la santé : "Pendant la crise de la Covid, nos hôpitaux étaient ultra-dépendants de la chaîne de fabrication et d’approvisionnement asiatique, notamment pour des pièces de remplacement ou des adaptateurs, poursuit Simon Laurent. Ces pièces, nous pourrions les créer en open source, avec des plans librement accessibles à tous les hôpitaux qui en auront besoin. L’idée d’open santé, c’est de rapprocher des fablabs existants (nous en avons identifié 240 en France) et des centres de santé (CHU, cliniques, etc.). Il s’agirait alors de voir, toute l’année, comment un fablab peut être utile pour fabriquer des pièces nécessaires à la maintenance d’un hôpital."
Roméo à l'honneur !
Ce collégien maker a aussi témoigné pour les interviews "Solidarité d’aujourd’hui" du MAIF Start Up Club, réalisés #àlamaison pendant le confinement.
Voir les interviewsCe projet est imbriqué dans le programme Makers Nord-Sud porté par Hugues Aubin, vice-président du Réseau français des fablabs : "L’idée, c’est de démarchandiser au maximum la santé, de la verser dans les biens communs comme l’air, comme l’eau, résume Simon Laurent. La santé ne devrait pas dépendre de la loi du marché. Le programme Makers Nord-Sud est né en collaboration avec le réseau francophone des fablabs de l’Afrique de l’Ouest, qui fait face à des problèmes de santé gigantesques, d’une tout autre échelle que ceux que nous avons connus. On l’a vu en France : les visières, pousse-seringues, attaches, tout ce qui a été produit par les makers et les fablabs, ce sont près de deux millions d’objets qui ont été ainsi fabriqués en trois semaines ! L’industrie française, aussi talentueuse et organisée soit-elle, n’était pas capable de le faire. Pourquoi ça a fonctionné du côté des makers et des fablabs ? Parce que nous n’avons pas pensé un seul moment à ce que ça allait coûter et à ce que ça allait impacter dans le modèle économique de nos structures. Et heureusement, la France est un pays ultra-solidaire, et quand, localement, des makers ont fait des cagnottes pour payer le matériel qu’ils offraient (pour payer des bobines de fil plastique par exemple), elles ont été largement pourvues par des gens localement."
En soutenant le Réseau français des fablabs, la MAIF a conscience de ces "conséquences révolutionnaires" prédites par Jeremy Rifkin. Les fablabs, lieux de médiation numérique, ont déjà prouvé qu’ils étaient d’abord des espaces de solidarité. Et ils aspirent à être un maillon important de notre société dans l’avenir. "On peut imaginer qu’une partie des fablabs, en fonction de leur situation, pourraient devenir des lieux de microproduction pour des objets de consommation courante, explique Simon Laurent. Associés à une recyclerie par exemple, ils permettraient une relocalisation de la production et la réutilisation de matières premières… Je ne dis pas que les fablabs vont remplacer l’industrie traditionnelle, nous en aurons toujours besoin pour la production de masse. Ce n’est pas dans la vocation première des fablabs de fabriquer 500 000 visières ! En revanche, au niveau local, les fablabs sont aujourd’hui de véritables micro-usines de quartier, équipés de machines à commande numérique faciles à prendre en main. Nos structures, capables de mobiliser de l’intelligence collective, sauront se rendre utiles de nouveau, j’en suis persuadé malheureusement, parce qu’il faut préparer nos territoires à encaisser de nouvelles crises…"
Prévenir les risques
Avec le Réseau français des fablabs, la MAIF a édité un guide de prévention des risques spécifiques pour ces lieux de fabrication numérique.
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