Ici commence la mer

Un parcours compact

À l’origine simple club de tennis, le golf de La Rochelle est né dans les années 90.  Nous avons commencé par installer une zone de practice, puis un trou. Et de fil en aiguille, nous sommes arrivés à en faire un lieu unique pour passer un moment agréable , raconte Robert Eugène, son directeur. Le parcours initial de 9 trous est aujourd’hui bordé d’un 18 trous au format compact, dessiné en collaboration avec la Ligue de protection des oiseaux et les conservatoires d’espaces naturels et de semences locales. La distance de jeu a été volontairement réduite pour limiter les besoins en eau. Nul besoin d’un driver* pour s’amuser et prendre plaisir sur ce parcours. Tout se joue dans le dosage et la finesse, au cœur d’un univers végétalisé. Difficile de croire, en parcourant cette oasis, qu’elle était un simple champ d’orge il y a moins de trois ans ! La transformation est extraordinaire, au point que la fédération n’hésite pas à affirmer que ce parcours rochelais incarne "le futur du golf".  

Une impression de vie sauvage 

Déjà labellisé argent par sa fédération pour son engagement en faveur de la biodiversité, ce terrain de golf pourrait bien être le premier en France à obtenir l’or. Pour cela, outre la poursuite de ses actions de régénération du milieu naturel, il doit organiser des visites de sensibilisation. Nous nous sommes joints à l’une d’elles, accompagnés d’une classe de seconde du lycée Dautet de La Rochelle. Robert Eugène mène la visite, au pas de course pour ne pas gêner les parties en cours. À ses côtés, Arthur Lecomte, expert en biodiversité et paysages auprès de la fédération française de golf. Une personnalité hyper engagée qui, à l’instar de nombreux jardiniers golfiques, a été profondément meurtrie par les attaques dont ont été victimes les terrains de golf à l’été 2022. « En pleine période de sécheresse, des terrains ont été saccagés, se souvient-il. Nous avons été montrés du doigt, alors que notre fédération est sans doute l’une des plus engagées en faveur de la transition écologique. On nous reprochait notamment de continuer d’arroser en période de restriction d’eau. Une accusation sans nuance, alors que nous arrosions au strict minimum et que sans cela nos terrains auraient été perdus ». 

Avant même le départ, longeant l’aire de practice, le professeur de SVT qui accompagne les élèves remarque la forte concentration de pâquerettes qui semble indiquer que le gazon n’est pas traité. Robert Eugène acquiesce : aucun intrant chimique n’est utilisé. L’allure générale des fairways** confirme cette impression de vie sauvage. On marche sur les trèfles et autres herbacées, parfois même sur un caillou. À des années-lumière de l’impeccable gazon vert uniforme d’Augusta (USA), temple du golf chic, dont l’entretien emploie une armée de jardiniers. Au départ du trou n° 5, un écriteau affiche "La mer commence ici. Ne jetez rien sur le parcours".  Nous délivrons des messages pour que nos visiteurs s’imprègnent de notre démarche et s’impliquent à leur tour , explique Robert Eugène. Aucune poubelle n’a été disposée sur le parcours : chaque golfeur est responsable de la collecte et du tri de ses déchets.

Le green, zone sensible

Le groupe s’attarde sur un green, l’aire qui abrite le trou où il faut déposer sa balle avant de pouvoir passer au trou suivant. C’est la sacro-sainte partie du parcours, la seule qui nécessite un arrosage régulier. Son couvert végétal est si dense et ras que l’on jurerait une moquette. Mis bout à bout, les greens couvrent une toute petite surface du terrain. Mais c’est pourtant leur entretien qui concentre toute l’attention des jardiniers de golf, d’ailleurs dénommés greenkeepers***. Le green peut être pentu, mais il ne peut être ni biscornu ni troué. La balle doit y glisser comme sur un billard, c’est la seule exigence de ce sport !  La gestion de l’eau est réglementée, avec des restrictions qui se mettent en place dès les premières alertes, précise Robert Eugène. Sur notre nouveau parcours, les surfaces arrosées représentent 2,2 % de l’emprise totale du terrain, avec un système performant où chaque arroseur est indépendant. Des sondes enterrées analysent les besoins en eau et nous permettent d’apporter la quantité juste nécessaire. Nous sommes également en pourparlers avec la communauté d’agglomération sur un plan de récupération des eaux usées .

Hérons, cigognes et compagnie

La Rochelle-Sud est un parcours compact. Le golfeur dispose de trois coups pour mettre sa balle dans chacun des 18 trous. S’il réussit l’exercice en deux coups, il réalise un birdy. En un, c’est un eagle. Des noms d’oiseaux qui tombent à pic. Au détour d’un green, Robert Eugène demande aux élèves de faire le silence complet. Et très vite, des croassements se font entendre : à cet endroit, le parcours longe une héronnière, également fréquentée par les cigognes en ce printemps 2023. Le golf de La Jarne met tout en œuvre pour que les animaux puissent circuler librement, quelle que soit leur taille. Les mammifères sont relativement absents pendant la journée. Mais, à la nuit tombée, c’est un défilé de martres, fouines, blaireaux, sangliers et genettes.  Les sangliers ne causent pas de dégâts au terrain, ils se dirigent tout droit vers les fossés remplis d’eau où ils aiment se vautrer. Nous avons même adouci la pente des fossés pour qu’aucun animal n’y soit piégé , précise Robert Eugène. À intervalles réguliers, il a installé des hibernaculums. Outre les espèces hibernantes comme la salamandre, la couleuvre ou le triton, ces abris hébergent toutes sortes de petits animaux et insectes. De loin en loin, des prairies de fleurs à nectar sont laissées en l’état et attirent les abeilles. Et d’autres coassements surgissent aux abords des mares qui closent le parcours : cette fois, ce sont des grenouilles, surprises en plein rut.