Mélusine, la fée des mails

"La plupart des messages que nous recevons par le canal internet sont comme des pochettes-surprises. Impossible de deviner leur contenu avant de les avoir lus". À raison de 15 000 courriels reçus chaque jour, Christelle Luguet, chargée d’actions de développement à la MAIF, a vécu le déploiement de Mélusine avec grand intérêt. Le sujet devenait urgent. En 2019, pour la première fois, la MAIF a été davantage contactée par Internet que par téléphone. Une bascule historique, auxquelles se frottent toutes les grandes organisations. Comment orienter efficacement ce flot de messages ? Les flux téléphoniques bénéficient depuis longtemps de la reconnaissance vocale. Il suffit d’exprimer simplement sa demande pour être dirigé vers le bon interlocuteur. Pour les messages écrits, hélas, point de machine…

Frédéric de Javel, arrivé à la MAIF en 2007 en tant qu’analyste de données et spécialiste de l’intelligence artificielle, est saisi du problème. "En l’absence de solution sur le marché, il fallait inventer quelque chose. Nous nous sommes mis au travail en mode start-up et avons conçu Mélusine, une machine capable de décortiquer nos courriels pour en extraire la substantifique moëlle", témoigne le jeune ingénieur. Mélusine ouvre les mails, balaye leur contenu pour en repérer les mots clés : voiture, maison, résiliation, attestation… Cette analyse sémantique, résumée et collée dans l’objet du message, facilite le traitement de la demande par les équipes dédiées. "Nous avons entraîné Mélusine sur des millions d’e-mails pour étendre son vocabulaire. Plus le logiciel fonctionne et plus il s’améliore", précise Frédéric de Javel. "Une autre grande réussite est d’avoir relevé le défi de l’industrialisation, en passant d’une data science de laboratoire à une data science de production. Mélusine est robuste et traite en temps réel nos 15 000 mails quotidiens."

Sur le terrain, les compliments fusent. Et plus encore quand, le 5 février, Mélusine a remporté le Grand prix de l’expérience client du Digital innovation makers summit. 
"Un trophée bien mérité pour cette solution qui apporte une réelle plus-value à mon quotidien", commente Rachid, gestionnaire de sinistres à Nantes. "À l’écran, la différence est flagrante. On distingue au premier coup d’œil les courriels traités par Mélusine et on sait tout de suite à qui les adresser", se réjouit Christelle Luguet. En déplacement à Paris, Frédéric de Javel a vécu une expérience émouvante. "Au petit déjeuner, j’étais assis face à une collaboratrice basée à Aix-en-Provence. Sans savoir qui j’étais, elle m’a d’emblée vanté l’aide et le confort apportés par Mélusine dans son travail quotidien. Un début de journée comme je les aime."

Déposé en licence ouverte sur GitHub, le code de Mélusine peut être utilisé gratuitement par toutes les organisations qui le souhaitent. "La raison profonde de ce choix relève de l’éthique", analyse Christelle Luguet. "La MAIF porte en effet la conviction que les machines doivent agir au service de l’humain. Mélusine n’est pas un robot qui se substitue à nos conseillers. Au contraire, il les débarrasse de tâches ingrates et non productives. Avant, un courriel pouvait rebondir deux ou trois fois avant d’arriver sur le bon écran. Avec Mélusine, on ne reçoit que les messages qui nous sont destinés et c’est un progrès énorme. C’est ainsi que l’on peut se concentrer sur la qualité de la réponse à apporter au sociétaire ou au prospect." La mise à disposition de Mélusine sur GitHub présente un autre avantage. "Nous pouvons espérer qu’un bon génie se penche sur notre code et l’améliore. C’est le propre du travail en open source : chacun peut apporter sa pierre", conclut Frédéric de Javel.