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11 décembre 2019 | Pays de la Loire

Réchauffement climatique : chaque demi-degré compte !

En résumé

Rencontre avec Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement du Commissariat à l’énergie atomique. Elle siège au Haut conseil pour le climat et copréside l’un des trois groupes du Giec*. Une sociétaire MAIF au cœur des enjeux du réchauffement climatique.

Voitures sur une route inondée
"Nous vivons déjà avec les conséquences de ce degré de réchauffement, avec des canicules plus fréquentes et l’intensification des pluies torrentielles".© Idriss BIGOU-GILLES/MAIF

« Chaque demi-degré de réchauffement compte ! » Que ce soit devant des scientifiques réunis pour le dixième anniversaire de l’Autorité environnementale ou le public d’un supermarché, Valérie Masson-Delmotte rappelle très clairement le contexte actuel : « Depuis 1850-1900, les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire de l’ordre de 1 °C. 

Portrait femme
Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, coprésidente du groupe n° 1 du Giec (photo Émeric Fohlen/MAIF).

Nous vivons déjà avec les conséquences de ce degré de réchauffement, avec en France un réchauffement de 1,4 °C en moyenne, l’intensification des jours chauds (en France, 4 à 6 de plus par décennie), des canicules plus fréquentes en France comme partout, l’intensification des pluies torrentielles (comme dans le sud-est de la France), l’intensification des sécheresses (en particulier tout autour de la Méditerranée), la fonte généralisée des glaciers, la montée du niveau des mers, qui a accéléré ces dernières décennies. Ces changements ont des impacts déjà visibles, partout, pour les gens comme pour les écosystèmes. »

Les chiffres sur le climat peinent à toucher un très large public

Valérie Masson-Delmotte rappelle pourquoi ces projections justifient toutes les craintes : « Au rythme actuel de 0,2 °C de plus par décennie, le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre environ 2030 et 2050, plus tôt si les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter. S’il n’y a pas un renforcement d’ambition par rapport aux engagements des pays lors de l’accord de Paris sur le climat (2015), une accélération du réchauffement jusqu’à 3 °C ou davantage est possible d’ici 2100. » La paléoclimatologue sait que ces chiffres peinent à toucher un très large public : « J’ai le sentiment d’un fossé entre les connaissances que nous accumulons, dans ma communauté, et le niveau de culture générale de tout un chacun autour des enjeux climat. Or, il est nécessaire d’avoir une vision d’ensemble, car ce sujet se situe dans le temps long. C’est important de connaître les facteurs à l’origine de ce changement de climat, pour permettre à tout le monde de comprendre quels sont les leviers d’action. »

Les médias ont surtout joué sur la peur et le côté alarmiste.

Quand son agenda le lui permet, Valérie Masson-Delmotte va à la rencontre du grand public, en accordant des interviews ou en participant à des rencontres : « Je suis extrêmement attachée au partage des connaissances. Je suis payée avec de l’argent public pour faire un travail passionnant, et j’ai le sentiment de devoir restituer les connaissances que nous produisons. »

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Mais elle sait aussi que ces connaissances scientifiques ne suffisent pas pour bousculer les immobilismes : « Quand nous avons publié notre rapport sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré, j’ai été frappée de voir que les médias ont surtout joué sur la peur et le côté alarmiste… En revanche, ils ont beaucoup de mal à montrer ce qu’est un monde qui construit un autre développement, allant vers la neutralité carbone, résilient par rapport au changement climatique, permettant à tous de vivre dignement. C’est difficile, cela demande un effort d’imagination. Peut-être faudrait-il demander l’aide d’artistes pour y arriver. Il faudrait produire des représentations ancrées dans le quotidien des gens pour montrer une transformation réussie. Un monde où l’on vivrait mieux, avec une meilleure qualité de l’air, une alimentation saine, une mobilité active. Au niveau du Giec, on ne peut pas le faire, car nous avons vocation à faire une évaluation des connaissances pertinentes pour tous les pays, de manière neutre, non prescriptive. On ne peut pas le faire au niveau de chaque pays, de chaque région, de chaque ville ou village. Mais c’est pourtant de ça dont nous aurions besoin pour voir comment se projeter dans un avenir où nous pourrions vivre autrement, tout en allégeant notre empreinte sur l’environnement. »

Gardes côtes habillés en rouge creusent la glace.
⦁ Les prélèvements de glace sur les calottes polaires permettent de retracer les variations climatiques du passé. Ici, un carottage réalisé avec l'aide des gardes-côtes canadiens (photo Cory Mendenhall AB Forces/Alamy).

On peut agir pour le climat, chacun à sa mesure

Chaque année et chaque choix comptent pour stabiliser le niveau du réchauffement climatique et anticiper pour s’adapter à un climat qui va inéluctablement continuer à changer au cours des prochaines décennies ; il s’agit d’une gestion de risques. Malgré les difficultés des transformations profondes que cela implique, Valérie Masson-Delmotte se garde bien de se montrer pessimiste : «  Je ne suis ni optimiste, ni fataliste. J’essaie juste d’être lucide et responsable. On peut agir, chacun à sa mesure, mais il faut surmonter l’immobilisme. Ce que le Giec a montré, c’est qu’il y a un rayon d’actions disponibles aujourd’hui qui sont prêtes, même s’il y a parfois des barrières à surmonter pour permettre leur déploiement. Il y a besoin de transformations profondes dans tous les grands systèmes : énergie, gestion des terres (dont l’ agriculture et l’alimentation), urbanisme, industrie, et une réorientation des financements au service de ces transformations… La bonne nouvelle, c’est qu’il y a un ensemble de solutions économiquement viables aujourd’hui, et créatrices d’emplois qui ont du sens. Nous montrons aussi dans notre évaluation l’importance d’agir sur la demande pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre : maîtrise de la demande en énergie, en matériaux non renouvelables, évolution vers une alimentation saine qui réduit la pression sur les terres et les émissions de gaz à effet de serre. Et nous cernons mieux les risques, nous vivons déjà avec les conséquences d’un climat qui change, avec des impacts perceptibles partout, et nous avons, grâce à l’innovation technologique et sociale, des possibilités d’agir immédiatement. Et ce ne sont pas nécessairement des investissements coûteux. »

La MAIF face au réchauffement climatique

Investisseur engagé, la MAIF mène une politique financière pour contribuer, à son échelle mais de façon déterminée, à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C.

Voir le rapport 2018

Pour maîtriser les risques climatiques, Valérie Masson-Delmotte nous invite à ne pas prendre un seuil de réchauffement planétaire comme seul repère : « Il n’y a pas de seuil de réchauffement sûr. Plus le réchauffement sera important, plus des aléas liés au climat seront modifiés. Il n’y a pas de limite précise qui permettrait d’en éviter des conséquences graves. Et une partie des changements liés au réchauffement climatique, comme la montée du niveau des mers, est inéluctable ; on ne peut qu’en limiter le rythme en réduisant fortement les rejets de gaz à effet de serre. C’est un enjeu majeur pour le littoral. Mais ces aléas et leurs conséquences, il faut les connaître et les comprendre. C’est une question d’éducation. J’ai souvent des échanges avec des assureurs, comme ceux de la Fédération française d’assurance (NDLR : la MAIF est adhérente de la FFA), qui regrettent qu’il n’y ait pas la mise en œuvre d’une culture du risque, sur les systèmes d’alerte ou sur les moyens de construire une résilience face au changement climatique et à ses conséquences inéluctables. »

Jeunes en train de manifester
"Lors des marches pour le climat, j'ai été touchée de voir ces jeunes demander des actions ambitieuses, en nous renvoyant à nos responsabilités", raconte Valérie Masson-Delmotte© Franck Chapolard/Alamy

Pourquoi ne pas enseigner l’histoire des climats au collège ?

En décembre 2018, Valérie Masson-Delmotte était d’ailleurs signataire de cette lettre ouverte qui demandait un meilleur enseignement des enjeux climatiques : « J’ai beaucoup travaillé sur les climats passés, et je suis stupéfaite de voir qu’on enseigne aux enfants, à partir de 8 ans, l’histoire des sociétés humaines, mais jamais l’histoire des climats. Depuis la rentrée, il y a une petite évolution avec un tronc commun pour les élèves de terminale : deux heures par semaine, un tiers de l’année, sur les enjeux climat et énergie, et seulement pour les élèves des filières générales. C’est bien, mais c’est tard. Ce n’est malheureusement pas traité de manière systématique au collège, où cela concernerait alors toute une classe d’âge, à un moment où les enfants deviennent aussi de jeunes consommateurs et de futurs citoyens responsables. »

* Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Pour en savoir plus :

« Qui parmi vous a lu le résumé pour les décideurs du rapport du Giec ? » Valérie Masson-Delmotte était à l’Assemblée nationale, en juillet 2019, aux côtés de jeunes engagés pour la planète, parmi lesquels Greta Thunberg.

En 2018, la revue Nature (le plus ancien hebdomadaire scientifique du monde !) a classé Valérie Masson-Delmotte dans le TOP 10 des scientifiques qui comptent dans le monde.

Pour les cinéphiles, l’analyse du film Le jour d’après, par Valérie Masson-Delmotte.

Le site internet du Giec, avec les trois rapports spéciaux (en anglais) rendus en 2018 et 2019 : 1,5°C, Changement climatique et usage des terres, Changement climatique, océans et cryosphère (neige, glaces, sols gelés).

La traduction citoyenne du rapport Global warning du Giec.

Le premier rapport du Haut conseil pour le climat.

Le site ressource de Météo France sur l’évolution observée et les projections d’évolution du climat pour chaque région française.